Le peu que je connais de Murtudo DIOP
Je l’avais connu dans les années 70, dans la ferveur culturelle où, dans la clandestinité, nous devions faire vivre nos langues nationales.
Par la parole, l’écriture, la guitare et quelques tam-tams, nous avions convenu, lui le cerveau, Ly Djibril Hammet, Sarr Ibrahima Moctar et nous autres Doro Sy, moi et consorts, de lutter, à notre manière et avec nos maigres forces, pour ne pas laisser mourir notre Culture.
Il était toujours là, furtif, vif, virevoltant, éloquent et efficace, entrain de donner des conseils, d’écouter les divers avis, de concilier les positions, d’harmoniser les points de vue. Ce docteur savait soigner les esprits.
Il n’avait aucune animosité à l’endroit des autres cultures, des autres races. D’ailleurs, pouvait-il en être autrement quand on connaît la dimension de ce moment du savoir, cet homme ouvert et tolérant.
Ce qui m’a toujours marqué chez cet homme, c’est son humilité, sa modestie, son amour du prochain, sa simplicité, sa sincérité, son entièreté.
C’est pourquoi, quand dans la folie des arrestations de 1986, je fus, moi aussi, interpellé par le Commissaire Kharchi, à l’époque directeur régional de la Sûreté de Nouadhibou, de la bouche de qui j’entendis, pour la première fois le mot « flam » (je croyais qu’on m’accusait d’avoir incendié quelque chose), et j’appris que Ly Djibril et Ibrahima Sarr étaient arrêtés et que Murtudo était recherché, je me suis dit que c’est peut-être notre aventure culturelle qui était en cause.
Je n’avais pas compris ce qui nous arrivait, comme à beaucoup de nos compatriotes, victimes innocentes des choses qu’ils ignoraient, qui en ont payé chèrement le prix dans tous les domaines.
Cet homme l’a payé cher. Stoïquement, il a supporté d’être accusé comme étant le cerveau des choses dont il n’était en rien l’instigateur.
En 2004, lors de mon séjour en France, de Mantes-la-Jolie où il résidait, il me laissa un message au téléphone. A son expression, j’ai reconnu l’homme de culture et fervent défenseur des justes causes, soldat infatigable de l’Unité nationale, partisan effréné de l’interpénétration de nos valeurs et de nos races.
Il me redonna goût à la Culture. IL me redonna espoir en ma lutte pour la Justice et l’Egalité. Il me redonna confiance en moi-même que ma lutte pouvait aboutir sans haïr les autres, qui, en définitive, n’étaient qu’une partie de moi-même.
Cet Homme ne pouvait pas être raciste ni ethniciste. IL était seulement en quête de reconnaissance de sa personnalité culturelle, de son existence, de sa valeur.
Je l’ai rencontré, la dernière fois, chez mon proche et ami Diallo Moussa, en présence de Anne Adama. Je me donnais pour mission d’arrondir les angles et de faire le rapprochement avec un de ses lieutenants dont une incompréhension passagère l’avait éloigné.
Deux jours de suite, je reçus de cet illustre personnage, les leçons de vie que je n’oublierais jamais. J’en ai retenu une profondeur d’analyse et un sens élevé du devoir et du sacrifice et, surtout, une capacité de dépassement jamais égalée.
Devant ce monument, on se rend compte de sa petitesse. Devant cette simplicité et cette ouverture d’esprit, on perd son latin. On se rassasie forcément et se remet en cause immanquablement. Il m’avait écouté patiemment. Il avait répondu posément, calmement mais gravement comme pour marquer la solennité du moment… notre dernière rencontre inscrite au registre de la vie.
Murtudo est parti, mais il a fait des petits. Il n’a pas laissé des comptes garnis, des biens meubles et immeubles pour vanter son existence. Il nous a légué une leçon de vie qui nous servira pour toujours.
Que Dieu le Tout Puissant et Tout Miséricordieux l’accueille en son saint Paradis. Amen.
Un de tes lieutenants tapis dans l’ombre, qui ne t’oubliera jamais.
Nouadhibou, le 12 juin 2009
THIAM Ousmane Moussa
Ancien Député de Nouadhibou
othiamous@yahoo.fr
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