CONTESTATIONS ET REVENDICATIONS
EN MAURITANIE
Près de 50 ans après son accession à l’indépendance, la Mauritanie apparaît comme l’un des pays d’Afrique noire et du monde Arabe où les mouvements politiques, syndicaux et scolaires de contestations, de revendications ou bien d’opposition au pouvoir, sont rarement entrepris. En plus, jamais aucun régime politique ne s’est véritablement senti ébranlé par les différents coups qui lui étaient assenés de l’intérieur ; qu’il s’agisse de grèves, marches, meetings, sit in, pétitions, manifestes, appels au boycott ou à la désobéissance civile…
Au niveau national, deux dates se distinguent par des mouvements de grande ampleur qui se soldèrent par des échecs cinglants pour leurs initiateurs et lourds de conséquences pour le pays.
En Janvier 1966 le décret d’application de la loi rendant l’étude de l’arabe obligatoire dans l’enseignement secondaire conduit les élèves négro africains à déclencher dans les lycées de Nouakchott et de Rosso un mouvement de grève générale qui s’étendit rapidement aux collèges de Kaédi et d’Aïoun. L’événement, soutenu par le « Manifeste des 19 », dégénère, in fine, en violents conflits raciaux faisant 6 morts et 70 blessés.
Le pouvoir ne fléchit pourtant pas : les élèves furent renvoyés dans leurs familles et les 19 hauts fonctionnaires signataires du Manifeste suspendus et poursuivis devant la justice.
Le premier acte vers l’arabisation du système éducatif national était ainsi posé. Dès le 28 Novembre 1974, dans son Rapport sur l’état de la Nation, le Président Moktar Ould Daddah déclarait : "L'arabisation de tout notre système d'éducation est désormais engagée d'une manière irréversible … ».
Le clivage entre élèves de communauté négro mauritanienne et ceux de la communauté arabe AUSSI. Ce fossé ira en se radicalisant dramatiquement et chaque jour la perspective d’une véritable unité nationale s’éloignait un peu plus. Cette situation diaboliquement exploitée par des milieux extrémistes arabes, déboucha sur des opérations « d’épuration ethnique » de 1986 à 1991 ponctuées de violations gravissimes des Droits de l’Homme sur une grande échelle.
L’Année 1991 fut précisément, de toute l’histoire du pays, la plus féconde en mouvements de tout genre alternant ou combinant à la fois grèves, marches, pétitions et appels au boycott…ou motions de soutien.
En avril, prenant tous ses opposants et détracteurs à contre-pied, le Colonel Moawiya, au pouvoir depuis le 12/12/84, invite unilatéralement les citoyens à un référendum constitutionnel suivi d’élections générales.
Il est indéniable que des facteurs externes ont beaucoup pesé sur la timide ouverture démocratique du régime :
- L’indignation unanime de l’opinion internationale suscitée par les actes criminels commis à l’endroit de la communauté haalpulaar à partir de 1986.
- Le discours de La Baule prononcé par François Mitterrand le 20 juin 1990.
- La Guerre du Golfe du 17 janvier au 3 mars 1991.
Le processus démocratique amorcé, sera contrôlé de bout en bout par l’homme fort du pays qui n’hésitera pas à faire usage du bâton et de la carotte pour mater ses adversaires.
Il n’aura cure ni des « émeutes du pain » à Nouadhibou le 2 juin 1991, ni de la grève générale de 48 h lancée par l’U.T.M. pour les 19 et 20 juin portant sur des revendications salariales encore moins des gesticulations d’un Front Démocratique Uni pour le Changement (F.D.U.C.) empêtré dans ses contradictions.
Jusqu’au 03 Août 2005, Moawiya et son parti le P.R.D.S. eurent le champ totalement libre sur l’arène politique en raison du double boycott par l’Opposition des élections (législatives de mars 1992, présidentielles de décembre 1997), et de l’incapacité « épidermique » de ses dirigeants politiques à se regrouper durablement au sein d’un Front uni.
Les freins au dynamisme, à la crédibilité, à l’efficacité et à la popularité des mouvements revendicatifs et des partis d’opposition sont multiples.
Il est cependant parfaitement possible de les surmonter en se consacrant davantage à l’ancrage de la démocratie, à la défense de l’intérêt général, au règlement des problèmes de la cohabitation et de l’unité nationale, à la lutte contre l’ignorance, la pauvreté et l’enrichissement illicite. Tout un programme, n’est ce pas ?
Issa Mamadou DIOP
Conseiller Municipal
Nouadhibou
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